Place for archiving, researching and transmitting born in 1994 that explores Land Art both in historical, critical and prospective perspective. It is aimed at “an audience as wide as possible” (Gerry Schum)
Founded by Marc de Verneuil (architect, critic)

Lieu d'archivage, de recherche et de transmission né en 1994 qui explore le Land Art dans une perspective aussi bien historique, critique que prospective. Il s’adresse à «un public aussi large que possible» (Gerry Schum)
Fondé par Marc de Verneuil (architecte, critique)


« Le Land Art est une pure fiction ; voilà pourquoi nous l'observons »
Land Art is purely fictional; that is why we observe it” (OBSART)








dimanche 26 avril 2015

Biennale de Venise | R. Smithson (1969-2015)

Robert Smithson, Dead Tree (1969)
Dessin réalisé d'après photographie
© OBSART 2015

56e Biennale de Venise :
Robert Smithson /  Dead Tree (1969-2015)

« Les ruptures qui entourent et abondent autour de chaque coin du paysage mondial rappellent aujourd'hui les débris évanescents de catastrophes antérieures amoncelés aux pieds de l'ange de l'histoire dans l'Angelus Novus. Comment l'inquiétude actuelle de notre temps peut-elle être correctement saisie, rendue compréhensible, examinée et articulée ? Au cours des deux derniers siècles, les changements radicaux ont fait des idées nouvelles et fascinantes un thème pour les artistes, écrivains, cinéastes, artistes, compositeurs et les musiciens. C'est avec ceci à l'esprit que la 56e Exposition internationale de la Biennale de Venise propose All the World’s Futures, un projet consacré à une nouvelle évaluation de la relation entre l'art et les artistes dans les conditions actuelles ». 
— Okwui Enwezor, All the World’s Futures, 2015 
(traduction OBSART)

« Il existe un tableau de Klee qui s'intitule Angelus novus. Il représente un ange qui semble avoir dessein de s'éloigner de ce à quoi son regard semble rivé. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. Tel est l'aspect que doit avoir nécessairement l'ange de l'histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Où paraît devant nous une suite d'événements, il ne voit qu'une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d'amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s'est prise dans ses ailes, si forte que l'ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l'avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu'au ciel devant lui s'accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès »
 — Walter Benjamin, Thèses sur la philosophie de l'histoire, Denoël, 1971 

« Mon travail est impur ; il est embourbé dans la matière. Je suis pour un art pesant, lourd à porter. On ne peut échapper à la matière. On ne peut échapper à la physique, pas plus qu'on ne s'échappe de l'esprit. Leurs deux trajectoires se percutent constamment. On peut dire que mon travail est comme un désastre artistique. C'est une catastrophe silencieuse de l'esprit et de la matière »
— Robert Smithson, Fragment d'un entretien avec P.A. Norvell, 1969 
(traduction OBSART)

Que les aficionados de Robert Smithson se réjouissent et ne boudent surtout pas leur plaisir : leur héros fait partie de la liste des artistes présentés à la nouvelle édition de la Biennale de Venise, qui se tiendra du 9 mai au 22 novembre prochain. Le commissariat est assuré cette année par Okwui Enwezor, l'incontournable figure des grandes cérémonies de l'art dit contemporain. Rien d'étonnant toutefois à la présence de Smithson dans cette 56ème édition de l'exposition internationale d'art, dont le titre choisi par Enwezor (« All the World’s Futures  ») résonne d'ailleurs déjà en soi comme une invitation au voyage en terres smithsonniennes. Il y a à peine plus de deux ans, quelques unes des œuvres majeures de l'artiste étaient justement hébergées par Enwezor, dans les gigantesques salles de la Haus Der Kunst — ce musée hitlérien de Munich que le commissaire afro-américain dirige depuis 2011 à l'occasion d'une exposition sans précédent consacrée au Land Art (« Ends of the Earth: Land Art to 1974 »). Alors retrouver aujourd'hui le créateur de la célèbre sculpture spiralée construite sur les eaux hyper-salines du capricieux Grand Lac Salé (Utah), au sein même de la célèbre cité italienne soumise plus que jamais aux caprices de sa lagune et de ses immeubles-flottants à touristes, cela ne manque évidemment pas d'une saveur certaine...

La pièce de Robert Smithson retenue par Okwui Enwezor s'intitule Dead Tree. Comme presque toujours chez l'artiste, titre et œuvre ne font qu'un. Très tôt chez lui, une sorte de nomenclature tautologique s'est imposée. Dead Tree n'y coupe pas. En l'espèce, Arbre Mort est bien un arbre mort. Couché au sol, étendu à même l'espace d'exposition, on trouve accrochés dans sa ramure et au niveau de son système racinaire quelques miroirs chers à Smithson, tous de forme rectangulaire et au nombre de six. L’œuvre sera visible durant deux petites semaines dans le pavillon central. Ni plus, ni moins. Elle sera ensuite détruite en fin d'exposition, conformément aux volontés de l'artiste vaillamment défendues par Elyse Goldberg, responsable de la Succession Robert Smithson depuis des décennies. Dead Tree fait partie de ces œuvres de Smithson rarement montrées. Elle a été présentée au public pour la toute première fois en Allemagne à la Kunsthalle Düsseldorf, entre le 30 septembre et le 12 octobre 1969, à l'occasion de l'exposition collective « Prospect 69 » (commissariat : Konrad Fischer et Hans Strelow). Il a fallu ensuite attendre près de 30 ans pour qu'elle soit reconstruite et réapparaisse de nouveau, telle une Spiral Jetty resurgissant des tréfonds de son lac : tout d'abord à côté de New-York, au nord de Brooklyn, dans l'enceinte immaculée de la galerie Pierogi où elle été présentée, mais seule cette fois, entre le 3 mai et le 2 juin 1997 (commissariat : Brian Conley and Joe Amrhein) ; puis en Allemagne à Aix-la-Chapelle, dans le cadre de l'exposition collective « Natural Reality-Artistic Positions Between Nature and Culture » au Ludwig Forum für Internationale Kunst (commissarariat : Heike Strelow) ; enfin en Norvège, à Oslo, à l'occasion de la rétrospective « Robert Smithson Retrospective: Works 1955 - 1973 » au Nasjonalmuseet (commissariat : Per Boyme). Depuis, plus rien. On croyait, bien à tort, ce Dead Tree définitivement mort. Mais les arbres ne s’arrêtent jamais de pousser. Et les gens de se mirer. Quant à Smithson, bien que reposant pour toujours au petit cimetière arboré d'Hillside situé dans son New Jersey natal, il continue de nous interpeler. 

OBSART, 26/04/2015 

N.-B: Parallèlement à l'exposition de Dead Tree (1969-2015), Okwui Enwezor a choisi de présenter un film co-réalisé par Robert Smithson et Nancy Holt, Swamp (1969), ainsi que de deux œuvres sur papier de l'artiste, Island Project et Floating Island, tout deux datés de 1970. Une belle initiative, laquelle permet notamment de ne pas enfermer Smithson dans la catégorie « art végétal », ce que pourraient être tentés de faire les visiteurs d'aujourd'hui en découvrant cette œuvre, qui, au fond, raconte probablement bien plus de choses par ses successives disparitions que par sa matérialisation muséale.

 
Lire aussi | read also : 
L’illusion devient réalité littérale (R. Smithson, 1969)
Illusion becomes a literal fact (R. Smithson, 1969)   

Liens relatifs : 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire